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Chacun se souvient du jour où, enfant, il a assisté pour la première fois, à travers l’objectif du microscope, à un spectacle fantastique que nul n’aurait jusqu’alors pu imaginer. Or, quand bien même nous vivrions de telles expériences, dans quelle mesure faisons-nous de réelles découvertes ? Découverte ne signifie pas nécessairement « première fois » pour moi. Cette année, j’ai souhaité revisiter des ingrédients familiers issus de découvertes passées en les sondant attentivement, à la recherche de l’inédit, et pour en apprendre quelque chose de nouveau. Parce que la façon dont on envisage un même ingrédient n’est pas la même, selon que l’on a soi-même évolué depuis ce passé, vers le présent. Ma mission est de vous transmettre mes découvertes sous la forme de chocolats qui sont issus de ce processus créatif. Chacun des 4 chocolats que je vous présente cette année fusionne les découvertes du passé aux expériences du présent. Permettez-moi de vous décrire ces petites merveilles.

N° 1:HARU ~Rouge et vert(Fraise & Fukinoto)~

  Le Fukinoto, qui pousse au Printemps, est une herbacée sauvage utilisée comme légume au Japon. Je l’avais présenté en 2012 dans un bonbon de chocolat (“Bourgeons de fleurs de Pétasite du Japon”), qui exprimait surtout l’amertume qui le caractérise. Cette année, j’ai été davantage attiré par le parfum frais du Fukinoto sauvage juste avant sa floraison. J’ai également découvert qu’il se mariait magnifiquement à la douceur acidulée de la fraise. Une image évoque selon moi cette union : l’éclosion soudaine du Fukinoto, si sauvage, au milieu d’un plant de fraisiers élégamment alignés.
Pour la sous-couche, j’ai donc disposé le Fukinoto dans une couverture de Chanchamayo origine Pérou à 48%, et créé une ganache de chocolat aux fraises dans la couche supérieure. J’ai utilisé un cacao du Nicaragua qui se marie parfaitement avec la fraise, la douceur et l’acidité du fruit mettant en relief la force du Fukinoto. Savourez ce moment inédit où douceur de la fraise et force printanière du Fukinoto se mêlent en bouche, le « Fukinoto » jouant dans cette alchimie le rôle principal. Le décor évoque la tige verte du Fukinoto entourée d’un parterre de fruits roses.

N° 2:Arbre des Dieux ~Lindera~

 Le Lindera est un arbre dont le bois noblement parfumé est utilisé au Japon pour fabriquer les piques haut de gamme servant à déguster les pâtisseries traditionnelles. L’arôme subtil de ce bois a pour effet d’apaiser les esprits, tout en ayant une action antibactérienne. Il est également appelé « arbre des Dieux » car on l’utilise lors de cérémonies rituelles dans certaines régions du Japon. On croise facilement le Lindera sur nos chemins de montagne, et quand c’est le cas, je ne résiste pas à l’envie de froisser ses branches pour en exhaler l’odeur que j’apprécie tant. J’ai souvent pensé m’en servir comme ingrédient dans mes créations de chocolat : cette année, c’est chose faite.
La notion de « coupe de la nouvelle lune » est bien connue des jardiniers : il se dit que lorsque les végétaux sont coupés à la nouvelle lune, ils dureront plus longtemps et seront moins infestés par les insectes. Sous l’effet de la gravitation lunaire, les parties de de l’arbre situées au-dessus de la racine deviennent plus parfumées, la coupe libérant la sève concentrée dans la racine. Le Lindera utilisé pour cette nouvelle création a été coupé une nuit de nouvelle lune. Toutes les branches et feuilles obtenues de cette façon ont été infusées pour libérer l’essence même de l’arbre. En le mélangeant à un Chanchamayo d’origine Pérou à 48%, j’ai pu créer un bonbon de chocolat dont le merveilleux parfum est au-delà de ce que j’avais pu imaginer. Respirez-le avant de le déguster et vous pourrez capter l’énergie du Lindera. Profitez pleinement du noble parfum de l’arbre des Dieux.

N°3:YUZU ~Touche de chaleur avec piment d'Espelette ~

 Le Yuzu s’utilise de différentes façons, en zeste, en jus, préparé sous forme de Yuzugosho, cependant ma dernière découverte est d’un autre ordre : j’ai gratté très finement la surface du zeste sur 0.1mm et je l’ai transformé en poudre. Jusqu’à présent, personne n’avait imaginé n’utiliser que cette infime partie de l’agrume, et c’est grâce à un producteur passionné de Yuzu rencontré à Wakayama que j’ai pu mettre au point cette méthode. J’avais souvent et largement utilisé par le passé le Yuzu, et pas seulement dans le chocolat, mais j’étais toujours déçu par un rendu aromatique qui n’arrivait pas à atteindre celui du fruit frais. Cette fois-ci, quelle surprise ! Grâce à une poudre de zeste de meilleure qualité, le parfum éclatant du Yuzu est brillamment marqué, jusqu’à exprimer pleinement le Yuzu dans son essence même. Puis j’ai eu l’idée de relever la préparation en y insérant du piment d’Espelette, ramené il y a quelques années d’un voyage au pays basque. Le parfum et l’acidité du Yuzu se marient de façon splendide aux touches de chaleur du piment d’Espelette. L’ensemble est mis en valeur par la présence d’un praliné, qui crée un décalage dans le temps avec la saveur relevée de piment du Yuzu. A la dégustation s’exprime d’abord le parfum acidulé du Yuzu, bientôt rejoint par le piquant du piment d’Espelette, pour finalement s’enrober doucement de la ronde saveur des amandes du Piémont.. Les nouvelles potentialités offertes par le Yuzu sous cette forme ont constitué pour moi une belle découverte.

N°4:San Martin ~Voyage sans fin en quête du cacao~

 En 2016, je me suis rendu à San Martin au Pérou, à l’autre bout du monde. J’y ai fait une belle découverte.
Chaque fois que je rencontre un nouveau cacao, cela fait avancer ma créativité dans la continuité de ma démarche ; cela n’en reste pas moins un événement d’une importance toute particulière. Lorsque j’ai exprimé ma volonté d’utiliser ce cacao, on m’a présenté à un couverturier qui savait comment le travailler : quelle ne fut pas ma surprise en dégustant cette couverture ! J’ai été impressionné par son arôme exceptionnel, et j’ai aussi compris que ce cacao offrait un beau potentiel, d’autant qu’il était encore rarement utilisé dans le monde des chocolatiers.
Ce fut vraiment pour moi une magnifique découverte. D’emblée, ce sont les arômes de canneberge qui s’expriment, puis la suavité du fruit mûr comme la mangue ou l’abricot, pour finir sur une note franche de cacao qui reste longuement en bouche.
Savez-vous pourquoi je vous ai présenté ce chocolat en dernier ? Parce que lorsque nous le dégustons, c’est une nouvelle histoire qui commence, même si elle intervient à la suite du chocolat yuzu au piment d’Espelette. C’est parce que je souhaite que ce voyage en quête de cacao ne finisse jamais et se renouvelle sans cesse, que j’ai décidé de terminer par le chocolat San Martin qui détient une puissance aromatique plus grande encore que les 3 chocolats qui le précèdent.