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« Des goûts et des parfums inédits… Nous ne sommes pas arrivés à bout de ce que nous offre ce monde, et d’heureuses découvertes nous attendent encore.». C’est fort de cette idée que j’ai conçu ma collection 2018, consacrée à la mise en valeur de parfums inédits. « Les parfums sont éphémères et sont emportés au premier souffle du vent ».Il existe un insecte que j’affectionne particulièrement, la cigale, qui illustre cette notion à merveille. La cigale vit la majeure partie de son existence dans le sol. Lorsqu’elle sort de terre, une fois devenue imago, il ne lui reste plus qu’une semaine à vivre. Supposons que je sois une cigale et imaginons ce que je ressens. Le temps que la cigale a vécu sous terre n’est-il pas plus significatif pour elle que son existence éphémère sur terre? Seule la cigale peut y répondre.

Si mes 4 chocolats étaient comparés à une symphonie, c’est le 3e (Bourgeon de cassis au Romanée-Conti) qui en serait le mouvement principal. Beaucoup pensent que l’acmé du cassis se produit quand ses baies murissent. Ma vision a été complètement bouleversée en octobre 2017 quand j’ai visité une ferme de fruits rouges située à Nuits Saint-Georges. « Ecrasez-les entre vos doigts et sentez-les ». Il s’agissait de bourgeons de cassis. Le parfum frais, vert et légèrement épicé du cassis m’a toujours beaucoup attiré.

La veille de ma visite dans cette ferme, j’avais découvert lors d’un dîner dans un restaurant du cru que le cassis pouvait être utilisé sous forme de « poivre de cassis ». Plus précisément, ses bourgeons dévoilaient un splendide potentiel après avoir été séchés et poivrés. J’ai été impressionné par cette première rencontre avec le parfum sauvage et pur du cassis, et rapidement convaincu de pouvoir l’exploiter à merveille dans une nouvelle création.

Dans le bonbon de chocolat N°3, si les bourgeons de cassis occupent bien le rôle principal, ils sont associés à un jus de cassis qui relève leur saveur fruitée, et à de la Fille du vignoble Romanée-Conti, situé à 5 minutes en voiture de la ferme. C’est donc tout le terroir de Bourgogne qui a orchestré la création de ce bonbon.

Ce temps que les cigales vivent dans le sol avant leur mue, et ce moment où apparaissent les bourgeons du cassis avant leur floraison, correspondent dans la nature à des instants lumineux où se déploie un monde inconnu gorgé de promesses. Aussi ai-je voulu l’explorer et en transmettre tous les possibles, en figeant cet éclat éphémère dans un bonbon de chocolat. Des ingrédients inédits partent à la rencontre du chocolat et dévoilent en bouche tout leur éclat. J’ai pour mission de vous transmettre ce « Wonderful world », ce monde splendide qui s’offre à nous.

N° 1:Parfums du chrysanthème (fleurs et feuilles)

  Voici la première des 4 pièces créées à l’occasion de la nouvelle collection 2018. En 2017, j’ai découvert un thé aux chrysanthèmes, le "Hoko Sho-Nogiku" (littéralement : "petite fleur parfumée de chrysanthème sauvage"), élaboré avec des fleurs sauvages récoltées dans une montagne s’élevant à plus de 1 000 m d’altitude, dans la région du Yilan à Taïwan. Ces chrysanthèmes sont méticuleusement cueillis à la main, fleur après fleur, puis séchés. J’ai été très impressionné par leur doux parfum magnifiquement fruité, rappelant l’abricot ou le fruit de la passion. Cela reste pour moi le plus bouleversant de tous les parfums floraux qu’il m’ait été donné de connaître. Le parfum des chrysanthèmes est si éphémère qu’il s’évapore dans la semaine suivant la cueillette. C’est entre le 3e et 5e jour de son épanouissement que la fleur contient le plus de lutéine. Sa couleur et son parfum sont alors à leur apogée, et il est très important de la cueillir puis de la faire sécher au soleil durant cette courte période. Lors de mes essais, les fleurs de chrysanthème ont dévoilé tout le potentiel espéré. Mais m’est venue rapidement une idée : « Et si j’utilisais aussi les feuilles ? » Par l’intermédiaire d’un ami, j’ai sollicité le producteur taïwanais qui m’a répondu que les feuilles avaient également un parfum extraordinaire ; il n’avait jamais imaginé pouvoir les vendre, mais était disposé à me les fournir. Les feuilles offraient donc d’autres promesses que la fleur, et je fus convaincu que je pourrais suivre plus librement un schéma gustatif inédit afin de créer une sublime pièce. Après m’être procuré, et les fleurs, et les feuilles de chrysanthème, j’ai été si inspiré que j’ai réalisé ce chocolat du premier coup. J’ai extrait le parfum des fleurs en les infusant dans la crème, et les ai associées à un chocolat au lait Chanchamayo 48 % origine Pérou, caractérisé par son éclatante saveur fruitée. De la même façon, j’ai pu extraire le parfum et la légère amertume des feuilles en les infusant dans la crème, puis pratiqué une cuisson à basse température, avant d’associer cette préparation au même chocolat au lait Chanchamayo 48 %. La superposition de ces 2 couches de ganache a donné naissance à une saveur profonde, combinaison inédite de douceur florale et d’amertume végétale. Un chocolat semblable à une représentation en 3 D du chrysanthème, où il serait impossible de déterminer qui de la fleur ou de la feuille occupe le rôle principal.

En allant plus loin, ce que cherche à exprimer ma nouvelle collection « What A Wonderful World », c’est que toute forme de vie sur terre dévoile son propre moment de scintillement, aussi éphémère soit-il.

N° 2:Praliné au shiso rouge

 Le shiso est une herbe qui est utilisée depuis la nuit des temps au Japon comme plante médicinale. J’ai voulu orchestrer le mariage entre le parfum frais, délicat et gorgé d’anthocyanine du shiso rouge cultivé dans la région de Wakayama, et la belle générosité d’un praliné maison aux noisettes du Piémont. J’ai incorporé au praliné de la poudre de shiso rouge afin d’obtenir, en réaction à son acidité, une saveur tout à la fois équilibrée et très intense. Le shiso rouge a littéralement sublimé l’onctuosité brute du praliné en lui donnant une touche d’élégance. Ainsi naquit un praliné à la fraîcheur délicatement nuancée de notes florales, dont l’enrobage de chocolat au lait 53 % origine Pérou, légèrement fruité et acidulé, magnifie la saveur toute japonaise du shiso rouge.

Un arôme équilibré avec une touche de japonité, quoi de mieux pour emprunter la passerelle qui relie le chocolat N°1 au chocolat N°3 ? Après le calme dans vos palais, effectuez un virage à 360 degrés et laissez le chocolatier que je suis vous emmener vers une tout autre expérience gustative.

N°3:Bourgeon de cassis révélé par la Fille de Bourgogne, Romanée-Conti

 J’ai visité le village de Nuits Saint-Georges en octobre 2017. Le point de départ de ma création a été la rencontre, lors d’un dîner dans un restaurant du cru, avec un ingrédient à la saveur inédite. J’ai compris qu’il s’agissait en partie de cassis, au très beau potentiel gustatif, mais sans trouver immédiatement de réponse. Je savais que mes interrogations tomberaient lors de ma visite prévue le lendemain auprès d’un cultivateur de cassis. Ce dernier m’a donné la réponse que j’attendais alors que nous marchions à proximité d’un champ de cassis : « C’est un produit que nous leur fournissons. Le voici. Sentez-le ». J’ai suivi ses directives en écrasant les bourgeons entre mes doigts. « N’est-ce pas magnifique ? » J’ai alors découvert un parfum extraordinaire, tout à la fois vert et épicé. Quand on parle de cassis, on imagine une baie noire arrivée à maturité ; or les bourgeons du cassis renferment aussi d’impressionnantes possibilités. Dès lors, je n’ai cessé de vouloir transmettre cette puissante sensation en créant un chocolat. J’ai infusé de la poudre de bourgeons de cassis dans la crème, que j’ai mariée à une ganache constituée de 2 chocolats de couverture, un Chanchamayo du Pérou 48 % mettant en valeur le fruité du cassis, et un Cusco 70 % également d’origine Pérou, rehaussant la puissante saveur des bourgeons. En sous-couche, quelques millimètres d’une ganache de cassis préparée avec un chocolat noir 64 % origine Madagascar qui sublime les notes de baies rouges, et un chocolat noir Piura 66 % origine Pérou au splendide arôme fruité.
Enfin, j’ai ajouté de la Fille de Bourgogne de Romanée-Conti que je souhaitais déjà utiliser l’année dernière, laquelle offre une belle profondeur aromatique en apportant une touche de subtilité au chocolat.
Ce n’est que plus tard que j’appris que le cultivateur de cassis et le patron du vignoble de Romanée-Conti se connaissaient… Un lien du terroir qui n’est jamais un hasard et confère à cette histoire de création une plus grande profondeur.

N°4:Piment Oaxaca ~Duo parfum-stimulation~

 Un jour, un spécialiste en piments rouges m’en a offert différentes variétés et j’ai découvert le piment « Pasilla de Oaxaca », qui se distinguait des autres piments par une saveur remarquablement fumée et intense. Les piments rouges sont soigneusement récoltés à pleine maturité et vendus parfois frais sur les marchés. Mais la plupart du temps, ils sont séchés pour être conservés. Comme le climat de la région est très humide, les producteurs utilisent traditionnellement la technique du séchage à la fumée. La particularité de l’Oaxaca réside dans ce parfum obtenu lors du fumage. J’ai été tellement attiré par son originalité que je me suis juré qu’un jour « je ferais vivre dans un chocolat ce parfum fumé plus intense encore que le piquant du piment rouge ». J’ai commencé les essais et vite compris que je ne pourrais pas valoriser l’immense potentiel du piment rouge au moyen d’une simple infusion. C’est finalement en ayant recours à une technique classique que je suis parvenu à restituer le goût fumé si particulier du Oaxaca : à savoir, laisser reposer durant quelques semaines les piments dans un chocolat au lait de couverture Chanchamayo 48 % origine Pérou aux notes fraîches et fruitées. J’ai également utilisé le Gastrovac, un procédé de cuisson à basse température, pour infuser le piment dans la crème et en faire ressortir tout le potentiel. L’adjonction d’un enrobage de chocolat au lait 53 % du Pérou à la saveur fruitée confère au chocolat une nuance subtile proprement saisissante, faisant ressortir un goût pimenté équilibré mettant pleinement en valeur sa particularité. Au terme d’une longue quête, je suis parvenu à créer un chocolat à la profonde saveur fumée mais d’une grande finesse, procurant à la fois douceur et stimulation en bouche.

Ce chocolat est la pièce qui conclut ma collection 2018 constituée de quatre chocolats. Il se trouve qu’après l’avoir goûté, j’ai de nouveau dégusté le chocolat N°1. M’est alors apparue la vision d’une fleur orange de chrysanthème s’épanouissant à la lumière stimulante du chocolat N°4, décrivant ainsi un cercle qui nous invite à parcourir une nouvelle fois la symphonie en quatre mouvements de ce « Wonderful World ».